Au juge de désigner la loi applicable au divorce

Le développement des relations entre les pays a engendré une augmentation des liens de famille à cheval sur différents pays. Spécialement, les juridictions connaissent désormais davantage de cas de divorce international. Si la compétence juridictionnelle est, sans trop de difficulté, déterminée par le règlement Bruxelles 2 bis pour les divorces intracommunautaires, et par les conventions internationales ou le DIP national pour les autres, la solution du conflit de lois, c’est-à-dire la détermination du droit à appliquer à la solution du litige, peut être parfois plus épineuse.

L’article 3 du Code civil impose au juge français, pour les droits indisponibles, et notamment s’agissant de divorce, de mettre en œuvre la règle de conflit de lois d’office et, le cas échéant, d’appliquer le droit étranger ainsi désigné. L’application d’office du droit ne dispense évidemment pas le juge de solliciter les observations des parties afin de respecter le principe posé par l’article 16 CPC. Mais c’est au juge de procéder à la détermination de la loi applicable et d’établir la teneur du droit étranger, y compris d’office(1)Cass. civ. 1re, 25 mai 1987, n° 85-16.578, Bull. n° 168; Cass. civ. 1re , 13 octobre 1992, n° 90-19.903, Bull. n° 246., et non au justiciable. Toutefois, l’application d’office de la règle de conflit de lois ne s’impose que lorsque sont en jeu des droits indisponibles, à l’exclusion  des relations pécuniaires entre époux, lesquelles relèvent des droits disponibles, y compris s’agissant de la prestation compensatoire(2)V. récemment Cass. civ. 1re, 11 mars 2009, n°08-13431, Bull. n°50. . L’article 309 du Code civil pose la règle de conflit de lois en matière de divorce, le texte renvoyant aux dispositions de la loi étrangère pour savoir si celle-ci se déclare applicable au litige. Le juge ne peut donc se dispenser de rechercher le contenu de la loi étrangère.

Une cassation de pure forme vient rappeler ce principe. Par un arrêt du 4 juin 2009, n°08-14309 et 08-11872, Bull. n°112, la première chambre civile de la cour de cassation censure une Cour d’appel qui a appliqué la loi française sans rechercher la teneur de la loi étrangère pour savoir si celle-ci acceptait ou non sa compétence. Par un attendu de principe, la Cour de cassation rappelle :

« Attendu que, selon ce texte, lorsque l’un et l’autre époux ne sont pas de nationalité française ou domiciliés en France et que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce, celui-ci est régi par la loi française lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente« .

En l’espèce, la question était donc de savoir si la loi allemande acceptait ou non sa compétence(3)Sur cette question v. le précédent billet. Pour une traduction des dispositions allemandes relatives au DIP de la famille voir ici.. La règle de conflit allemande en matière de divorce résulte de l’article 17 EGBBG qui indique notamment que le divorce relève du droit qui était compétent pour régir les effets généraux du mariage lors de la survenue de la litispendance de la procédure de divorce.

En l’espèce, le mariage avait été conclu en 1991 en France, sous le régime légal, qui sera changé en 1997 avec effet rétroactif au jour du mariage par un contrat de mariage passé devant un notaire allemand et qui organisera également les conséquences financières d’un divorce. En 2003, M. X. a assigné son épouse en divorce pour faute.

Devant la Cour d’appel de Paris(4)CA Paris, 21 mars 2007, n°03/40713 et CA Paris, 4 juillet 2007, n°03/40714., l’épouse n’a invoqué le droit allemand qu’au sujet des conséquences financières du divorce et jamais à propos du prononcé du divorce. Elle a bien invoqué les textes communautaires, mais pour contester la compétence des juridictions françaises, la Cour d’appel relevant que « en aucun cas ces règlements ne portent sur la loi applicable, que la détermination de la loi applicable relève du conflit de lois, que ce conflit de lois est réglé dans chaque Etat membre par la loi interne et par les conventions internationales ratifiées par le dit Etat membre ». Plus loin, la Cour d’appel de Paris relève que « Mme X. n’excipe d’aucune disposition de la loi allemande se reconnaissant compétente pour connaître du divorce, que le fait que le divorce puisse être prononcé en application de la loi française n’a jamais été remis en cause par Mme X. tout au long de la procédure, que la contestation de Mme X ne porte que sur la loi applicable aux conséquences du divorce ». Sur ce motif, la Cour d’appel de Paris a déclaré la loi française compétente pour juger du divorce, solution condamné par la Cour de cassation qui indique : « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, avant d’appliquer le droit français, si la loi allemande ne se reconnaissait pas compétente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

En l’espèce, les juges du fond aurait peut-être pu constater que la loi allemande renvoyait à la loi du premier domicile conjugal à défaut de nationalité commune, lequel semble (à la lecture de l’arrêt de cassation et des pourvois, mais ce n’est pas indiqué clairement) avoir été situé en France. Dans ce cas, la loi allemande refusant sa compétence, l’application de la loi française au divorce était justifiée.

Il est toutefois possible que la loi applicable ait été la loi allemande dans un cas particulier prévu par l’article 14 EGBGB, à savoir la désignation par les époux dans un acte notarié du droit national de l’un d’entre eux lorsqu’ils résident dans un autre Etat ou n’ont pas de résidence commune sur le territoire de cet Etat.

On pourrait penser que ce cheminement complexe est une coquetterie de juristes internationalistes. Il faut toutefois considérer que si la compétence des juridictions françaises a pu être établie dans cette affaire après un long périple judiciaire franco-allemand, la décision rendue sur la base d’une loi incompétente aurait sans doute eu des difficultés à être exécutée en Allemagne. L’application des règles de conflit de lois est une garantie d’efficacité de la décision à venir, de sorte que loin de compliquer l’existence du justiciable, il s’agit réellement pour le juge de travailler à la réalisation d’une bonne justice.

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References

References
1 Cass. civ. 1re, 25 mai 1987, n° 85-16.578, Bull. n° 168; Cass. civ. 1re , 13 octobre 1992, n° 90-19.903, Bull. n° 246.
2 V. récemment Cass. civ. 1re, 11 mars 2009, n°08-13431, Bull. n°50.
3 Sur cette question v. le précédent billet. Pour une traduction des dispositions allemandes relatives au DIP de la famille voir ici.
4 CA Paris, 21 mars 2007, n°03/40713 et CA Paris, 4 juillet 2007, n°03/40714.

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