Cass. lux. 22 octobre 2020

Cass. lux. civ. n°134/2020 du 22/10/2020 n°CAS-2019-00078

Cass. lux. civ. n°133/2020 du 22/10/2020, n°CAS-2019-00152

Ces deux arrêts traitent de la même problématique de l’irrecevabilité du pourvoi dirigé contre une disposition avant dire droit de la décision des juges du fond.

Il est de principe que les décisions avant dire droit, c’est-à-dire préalables à la décision finale ne peuvent faire l’objet de recours qu’en même temps que la décision finale. Cette règle vise à ce que la juridiction saisie du recours ait à connaître de l’ensemble de l’affaire et non pas seulement d’une décision préparatoire.

Il est clair que les voies de recours sont ouvertes contre les décisions définitives, c’est-à-dire celles “qui clôturent une instance en donnant une réponse aux demandes et moyens présentés par les parties et empêchent toute autre discussion dans le cadre de l’instance introduite devant la même juridiction(1)T. HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au GDL, 2e éd. n°1395, p. 739. .

En revanche, la notion de décision avant dire droit recouvre différentes hypothèses:
– la décision purement avant dire droit, c’est-à-dire ne comportant aucune disposition sur le fond de l’affaire ;
– la décision mixte, en tant qu’elle comprend à la fois une disposition qui tranche une partie du principal et une disposition purement préparatoire en lien avec la question tranchée au principal ;
– la décision dite “multiple (2)Terminologie employée par T. HOSCHEIT, ibidem, note de bas de page 1689. A noter qu’en matière administrative, la jurisprudence admet l’appel de la décision finale y compris pour les dispositions des jugements intermédiaires qui auraient été susceptible d’appel immédiat afin d’éviter une multiplication des recours: cf. R. ERGEC et F. DELAPORTE, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, éd. Pasicrisie luxembourgeoise 2020, n°218, p.118-119. , c’est-à-dire une décision statuant sur deux demandes différentes, mais qui tranche  définitivement l’une d’elle tandis qu’il est seulement statué avant droit sur la seconde.

Dans le 1er cas, le recours immédiat est irrecevable, dans le 2e cas, il est recevable, dans le 3e, il n’est recevable que si le recours porte sur la question tranchée définitivement, et non sur une disposition indépendante et purement avant dire droit.

Les deux arrêts rendus le 22 octobre 2020 illustrent l’irrecevabilité du recours visant uniquement une disposition avant dire droit.

Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel n°89/19 I CIV du 8 mai 2019, CAL-2018-00536 du rôle concerne une affaire de succession compliquée, dans laquelle le Tribunal d’arrondissement de DIEKIRCH avait tranché définitivement certains points du litige, et ordonné une mesure d’instruction sur d’autres demandes. Par un appel interjeté dans le délai légal, l’une des parties contestait uniquement la mesure d’instruction. La Cour déclare l’appel irrecevable, aux motifs que:

L’article 579, al. 1er du Nouveau Code de procédure civile autorise l’appel immédiat d’un jugement qui tranche dans son dispositif une partie du principal et ordonne pour le surplus une mesure d’instruction ou une mesure provisoire. Un tel jugement n’est un jugement mixte que si les deux chefs de la décision sont liés entre eux. Si tel n’est pas le cas, on doit, pour la recevabilité de l’appel, estimer qu’il existe deux décisions, l’une qui tranche le principal, et l’autre, qui est purement avant dire droit. Si le chef d’avant dire droit et le chef tranchant une partie du principal sont indépendants, il n’est pas possible de critiquer la mesure d’instruction, que ce soit par extension de l’appel principal ou par le biais d’un appel incident.
Le jugement déféré est à qualifier de jugement mixte : d’une part, il tranche définitivement plusieurs questions litigieuses, notamment quant aux caractères des différentes donations reçues par A), sans toutefois épuiser le fond, et, d’autre part, il ordonne une mesure d’instruction.
Le droit de faire appel de la disposition avant dire droit d’un tel jugement est conditionné par l’exercice de l’appel contre la décision sur le principal : l’appel immédiat contre le jugement mixte, limité à la partie avant dire droit du dispositif comme en l’espèce, doit être déclaré irrecevable.

La Cour de cassation n’était donc saisie que du point de savoir si la Cour d’appel pouvait déclarer l’appel irrecevable en tant qu’il était exclusivement dirigé contre une disposition ordonnant une mesure d’instruction. Par application des règles régissant la procédure de cassation, et notamment le principe que seule une décision qui tranche le principal au moins en partie peut lui être déférée, le pourvoi est déclaré irrecevable.

S’agissant du pourvoi dirigé contre l’arrêt n°159/19 du 12 juillet 2019, n°CAL-2019-00304 du rôle, il s’agit cette fois-ci d’une affaire de divorce(3)Cet arrêt avait déjà été commenté : l’une des parties, surprise par la rapidité de la nouvelle procédure de divorce alléguait que ses droits de la défense n’avaient pas été respectés. Diverses demandes avaient été définitivement tranchées, et notamment le prononcé du divorce mais la Cour d’appel a sursis à statuer sur la demande en allocation d’un secours alimentaire à titre personnel après divorce dans l’attente du résultat d’une mesure d’instruction. Le Parquet général relève que le pourvoi ne comporte qu’un unique moyen, dirigé exclusivement contre la partie de l’arrêt du 12 juillet 2019 ayant déclaré recevables les demandes de secours alimentaire post-divorce et en reconnaissance d’une créance relative aux droits de pension mais ayant sursis à statuer sur leur bien-fondé et ordonné une mesure d’instruction afin d’instruire ces demandes. Le pourvoi est donc irrecevable en ce qu’il se limite à contester une disposition purement avant dire droit de la décision des juges du fond.

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References

References
1 T. HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au GDL, 2e éd. n°1395, p. 739.
2 Terminologie employée par T. HOSCHEIT, ibidem, note de bas de page 1689. A noter qu’en matière administrative, la jurisprudence admet l’appel de la décision finale y compris pour les dispositions des jugements intermédiaires qui auraient été susceptible d’appel immédiat afin d’éviter une multiplication des recours: cf. R. ERGEC et F. DELAPORTE, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, éd. Pasicrisie luxembourgeoise 2020, n°218, p.118-119.
3 Cet arrêt avait déjà été commenté : l’une des parties, surprise par la rapidité de la nouvelle procédure de divorce alléguait que ses droits de la défense n’avaient pas été respectés.

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